← Le procès du Risoud, dit Grand Procès (1758-1762)

8. La note d'Isaac Benoît, hôte de l'Hôtel de Ville du Sentier.

Publié le 01 avril 2014 dans Le procès du Risoud, dit Grand Procès (1758-1762)

Le quartier de l'Hôtel de Ville un siècle plus tard, en 1852, selon Devicque. L'Hôtel est en partie caché par les maisons du premier plan.

    Cette note constitue un document exceptionnel. On saura par lui la manière dont un hôte, ici en la personne d'Isaac Benoît, reçoit des convives de marque et comment surtout il les nourrit. Nous avons là le détail d'une alimentation d'auberge au milieu du XVIIIe siècle.     
    Cet Isaac Benoît, réfugié venu du Vivarais, est un personnage sur lequel il conviendrait de s'arrêter - voir à cet égard son portrait dans nos Grandes figures combières -. Car il semble être un touche à tout dynamique, étant entr'autres professions hôte et amodiateur. On le voit en ces lieux recevoir des invités qui tous, tournent autour du grand procès du Risoud.  
   Il y a là les trois avocats attitrés des communes du Chenit et du Lieu, soit Develuz - l'hôte écrit naturellement Duvelu! -, Correvon et Rosselet. Les accompagnent les gouverneurs de la commune ainsi que l'indispensable secrétaire, Benjamin Golay. On voit apparaître David Golay, un personnage sur lequel pour l'heure nous n'avons aucune information, l'inévitable Juge Nicole, David Nicole, probablement père du notaire David Moyse Nicole. Et bien entendu assiste et conseille le commissaire Le Coultre, grand connaisseur de l'histoire de la Vallée, cartographe, soutien indéfectible de la commune du Chenit dans toutes les tribulations qu'elle put connaître avec le destin de ses forêts, qu'elles soient du côté du Risoud ou de celui du Mont-Tendre. 
    Et ces Messieurs discutent de la situation du grand procès dans l'une des salles de l'Hôtel de Ville. Et de temps à autre aussi, ils s'en vont dans notre grande forêt, dont l'état de l'époque nous apparaît avec peine. Et comme souvent ils ont bu force bouteilles, il n'est pas certain qu'ils aient toujours eu le pied léger pour affronter les mauvais chemins de débardage ou les laisines de ces lieux tourmentés. On s'est peut-être arrêté de temps à autre vers un chalet dont on a vu les bergers. 
    Enfin, quoi, on mène rondement cette grande affaire qu'est le procès du Risoud. Et outre que l'on débouche force bouteilles, on ne se fait pas faute de boullotter ce qu'il y a de meilleur en fait de nourriture locale, avec une prédilection pour les produits laitiers, fromage, tommes, beurre et crème. De quoi vous ravigotter.        
    Cette note, à vrai dire, est si extraordinaire qu'elle se devrait d'être analysée par le menu, ce que nous ferons ultérieurement peut-être. Car elle offre non pas seulement des renseignements sur nos "tables" d'alors, mais aussi sur la manière dont l'on se déplace. Dans tous les cas on ne regarde pas à la dépense, celle-ci naturellement à la charge de la commune. Cette note, n'en sera qu'une de plus, alors pourquoi lésiner. On découvre ainsi qu'elle atteindra la jolie somme de 357/5/3 florins. 
    Ces Messieurs sont dès  le 15 août 1759 à l'Hôtel de Ville. Ils en sont repartis pour la plupart le 20 août. Nul doute que malgré que l'on ait eu à traiter d'un procès coûteux, le souci n'est ici que pour la bourse communale, l'on ait bien profité de cette petite occasion pour se goberger de saine manière, de quoi en fait vous laisser un excellent souvenir de cette petite escapade à la Vallée. A laquelle, sincèrement, on aurait volontiers participé. Ne serait-ce que pour être observateur de ces moeurs anciennes qui ne manquent pas de nous intriguer. 
    Ce pourrait être ici même ce que l'on appelle parfois  le bon vieux temps!