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8. Jour de montée I.

Publié le 21 juin 2013 dans Mémoires de bergers

Une montée depuis le Séchey en 1966.

    C’était donc sitôt après le départ que nous ressentions le mieux ce que pouvait être la fierté de l’état de paysan et que de passer avec un troupeau dans le village. Un troupeau à nos yeux immense. Ah ! oui, quelle fierté ! Les bêtes maintenant allaient sur la route du haut. L’oncle devant, dans ses habits de travail bleu roi, qui hélait, et nous sur les côtés ou derrière, tous munis de bâtons de noisetier que nous avions retrouvés de l’an passé au fond de la remise, de l’écurie ou encore de la grange, avec un rien de bouse sur l’écorce brune. Nous traversions le village. Et les gens étaient là, sur les pas de porte, pour nous regarder passer. Et pas un qui n’était resté dans le fond de sa maison, qui aurait dédaigné ce grand bruit de cloches, ce piétinement décidé du bétail. Nous vivions-là des instants fabuleux. Nous naissions au monde. Nous le conquérions. Rien d’autre n’aurait pu nous apporter plus de joie de vivre que ce moment-là, rien non plus ne nous aurait offert un sentiment de puissance plus grand. Assurément, nous étions des rois ! Et presque les maîtres du monde !