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5. Derrière-le-Risoud

Publié le 29 septembre 2011 dans Sites et paysages

Le Chalet-Brûlé, de l'autre côté de la frontière, beau et ancien chalet d'alpage, belles pâtures mais dont l'entretien n'est malheureusement plus qu'approximatif...

    C'est la partie française du Risoud, ce qui constitue pour nous l'au-delà. C'est là-bas, derrière cette chaîne sombre et un peu inquiétante, suivant l'heure de la journée et la couleur du ciel, avec des lumières parfois  étranges. La frontière en somme ne fut jamais qu'une passoire. Puisque nos gens, dans le temps se rendaient couramment dans les cités françaises d'outre Risoud. Pour aller à la foire de Pontarlier, à celle de Mouthe si elle exista. Puisqu'aussi et surtout, les Suisses, depuis des générations voire des siècles, montaient les pâturages français. On entretenait en conséquence des relations. On se voyait régulièrement. On s'appréciait. Le fait qu'il ait eu deux religions de part et d'autre de la frontière ne semble pas avoir joué un rôle de frein dans les échanges auxquels on procédait. Certes, on ne mariait pas volontiers une franc-comtoises, comme un franc-comtois n'aurait pas épousé une vaudoise. Mais excepté cela, on ne faisait pas tant de chichi.
    Il y avait la contrebande, en plus. C'était un réseau. Les passeurs étaient connus dans toutes les épiceries de la frontière.
    Bref, l'homme sait passer, non seulement par dessus les montagnes, mais encore plus aisément par dessus les frontières qui ne seront jamais qu'une ligne arbitraire placée sur le terrain, plus tard sur les cartes de géographie.
    Certes, il y avait le mur et les bornes. Mais cela ne constituait pas une muraille de Chine. Vous l'enjambez, il y a les clédars, les postes frontièrers où la route est plus large encore.
    Derrière-le-Risoud... Cela sous-entend de multiples situations, d'autres gens, d'autres paysages, l'aventure, des promenades dans des immensités peut-être plus vastes encore qu'ici.
    Et nos Combiers, ils en ont tant parlé, de cet au-delà, qu'on en remplirait des livres.
    Et puis il y eut aussi ces heures tragiques où la frontière cette fois-ci, malheureusement, et plus qu'il n'arriva jamais, fut fermée. Aux marchandises quelque peu, aux hommes absolument, et surtout à ceux que plus personne ne désirait. Les Juifs. Ils fuyaient. Ils étaient traqués. Des âmes nobles et courageuses s'inquiétèrent de leur sort et surent parfois leur venir en aide. Mais cette saga désastreuse, qui a de même généré ultérieurement toute une littérature, ne saurait trouver sa place que dans un volet spécial qu'il nous reste à créer.
    On retrouvera en priorité un Derrière-le-Risoud moins dramatique, où nos compatriotes d'alors, parfois l'hiver en ski, savaient s'y rendre pour aller faire bombance dans quelque bistrot de ces localités frontières. Mais alors, le retour, qu'il était  difficile!...