Dans la cave des Grands Esserts, sur la commune du Lieu
La production de tous les fromages de la saison constituait le capital de l'amodiateur. Il convenait donc de veiller au mieux sur cette précieuse marchandise qu'en général on ne vendait qu'une fois la saison finie, à la fin de l'été. Alors passait le marchand de fromage dont le but premier était de ravauder sur le poids, ensuite sur le prix au kilo au vu de la plus ou moins bonne qualité du gruyère. On voyait alors le personnage vous percer les pièces avec sa sonde, goûter la précieuse pâte, et ensuite reboucher le trou avec la croûte qu'il lissait d'un doigt humide.
La cave à fromage. On en sentait l'odeur même à la cuisine. Odeur d'amoniaque, inimitable, inoubliable, odeur de sel aussi. Tout cela se mélangeait à l'odeur de petit-lait et de fumée de la pièce pour vous fournir une bonne partie de l'odeur générale du chalet en saison. Des senteurs formidables, puissantes, presque viriles!
On découvrira dans ce texte des extraits des études menées par MM. Paul Hugger et Daniel Glauser sur cette pièce où ne devait pénétrer que le fromageur muni de son tablier de coton écru. C'est alors, qu'une fois par jour, tout au moins au début de la saison, il retournait les pièces et les frottait ou les lavait à l'eau salée.
Nul qui a découvert ce monde-là, ne saurait l'oublier. Et si vous ne l'avez pas connu, ces quelques pages sont-là pour vous le faire découvrir et surtout pour vous en mettre l'eau à la bouche.
Des trous qui parfois pleuraient le sel...
