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4. Ces merveilleux albums de photos.

Publié le 03 février 2017 dans Un monde d'objets

Qu'on ne les jette surtout pas, ces vieux albums!

    En général de famille. Il y en eut dans à peu près toutes les tribus. Car même les gens les moins aisés, à l'occasion, tenaient à descendre à Lausanne, ou allaient chez le plus proche des photographes, pour se faire prendre le portrait. Il semblait que de cette manière, puisqu'on laisserait une trace, on se survivrait un peu. Car l'on savait bien qu'un jour, ce que l'on avait été, ne serait plus prouvé que par quelques vieux papiers au fond d'une armoire, ou de l'une ou l'autre de ces bonnes vieilles photos. Mais as-tu bien mis le nom à l'arrière ? 

    Ces albums étaient parfois des merveilles, avec des reliures superbes et un fermoir de métal, la plupart du temps en laiton. Il y avait à l'intérieur l'espace pour les photos d'un format ordinaire, avec quelques emplacements pour les plus grandes. Et  l'on glissait donc les clichés en bonne place et quand on avait le temps, on mettait le nom de la personne dessous. Cela constituait un album de famille. Et celui-ci pourrait parfois aller d'une génération à l'autre.

    Certes, on ne les regardait pas tous les jours, ces vieux albums, de sept en quatorze, mais quand même, on y était attaché. Il n'était pas encore question de mettre tout cela au papier. On avait un certain attachement, voire du respect, pour ces ancêtres auxquels tout de même on devait l'existence. Ils avaient de drôles de mine parfois. Mais surtout de drôles d'habillement. Ah! oui, comme ils étaient drôles!

    N'empêche, il y avait parfois des femmes ou des jeunes filles superbes, dont le joli minois vous fait regretter de n'avoir pas pu vivre en leur compagnie. Celle-là, en effet, c'est une beauté extraordinaire. Ò bienheureux put être son prétendant. Et comme elle savait s'habiller. Non, ici ce n'est pas drôle, c'est la perfection même, avec des toilettes comme on ne pouvait trouver qu'à Paris!

    Bref, ces albums, ils nous parlent. On les aime. On les feuillète de temps à autre. Ils nous font réfléchir. Sur ces vies passées. Sur la nôtre propre. Ainsi sera-t-on à notre tour, mais en couleur cette fois-ci, dans quelque album où le propriétaire tout en le feuilletant vous retrouvera. Pour se souvenir de ce que vous avez été. Mon Dieu, pourvu que j'aie été quelque chose. Il m'en coûterait de n'avoir rien été. Il m'en coûterait plus encore d'avoir poursuivi des ombres, qui peuvent être quoi ? La gloire, l'argent, la réussite aux yeux du public, toutes ces choses fugitives qui ne vous font en aucun cas un homme. Ou une femme. 

    Avoir été soi-même, voilà ce que vous souhaiteriez. Ni plus, ni moins, bien au contraire!