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270. Le Pré-Jentet, non loin de la frontière française, sur la route de Mouthe.

Publié le 25 janvier 2014 dans Alpages, chalets et bergers de la Vallée de Joux et environs

Le Pré-Jentet en novembre 2012.

     On pourrait se poser la question de savoir pourquoi les gens du Lieu allèrent établir un hameau au Pré-Jentet, dans le courant du XVIIe siècle ? 
    L'endroit n'était pas du tout perdu comme on pourrait le croire. Il était  situé à proximité immédiate de la grande route de Bourgogne que l'on utilisa depuis les débuts de notre colonisation, ne serait-ce que pour aller s'approvisionner en sel du côté de Salins. 
    Il y avait aussi que le Pré-Jentet voyait dans sa proximité immédiate, sur Franche-Comté, les habitants du Champ Charbonnet, comme aussi ceux de toute la Grand-Combe, alors complètement colonisée et peuplée par de nombreux ressortissants de Rochejean. 
    On ne sait si le Pré-Jentet était déjà formé quand il y eut cet épisode épique à proximité, justement au lieu dit les Champs Charbonnet: 
    "En 1628, les Bourguignons plantent une croix près de la maison de Cusin, dit Charbonnet, avec grand appareil: conduits par les Procureurs fiscaux de Pontarlier et autres qu'on disait être de la cour du Parlement de Dole, au nombre de 400 personnes, hommes, femmes et enfants, assemblés par commandement exprès, de 17 villages ressortissans de la Châtellenie de Roche-Jean; et avec eux 70 à 80 soldats, armés de mousquets et arquebuses, dont ils faisaient fréquentes décharges. Et ce, en replantant solennellement une croix, avec toutes leurs coutumes et en portant certaines reliques. - Le même jour des bestiaux sont enlevés au Lieu". (Frédéric de Charrière, Recherches sur le couvent de Romainmôtier et ses possessions, Lausanne, 1841). 
   C'est ce qui s'appelle montrer son autorité. Probablement qu'à l'époque les problèmes de frontière étaient aigüs, et que surtout nos voisins ne pouvaient tôlérer d'aucune manière LL.EExes dont le grand tort était de n'être pas de la même religion. De part et d'autre, chacun croyait à son bon droit. 
    C'est dans ces conditions que les gens du Lieu s'installèrent pourtant au Pré Jentet. LL.EExces durent voir d'un bon oeil une colonisation si proche de la frontière, ce qui allait permettre de la contrôler, donc de s'opposer à toute tentative d'empiètement de la part de voisins qui situaient volontiers les limites plus à orient de l'endroit où elles avaient été fixées pendant des siècles! 
    Bringues bien oubliées aujourd'hui, qui avaient été en partie résolues par la mise en place de bornes, dont certaines sont encore debout. Voir les ouvrages  consacrés à ce sujet. 
    Le hameau du Pré-Jente ne devait guère connaître un plein développement que pendant un siècle, puisque déjà au début du XVIIIe sicèle un effritement se fit remarquer. Cela tient, selon nous, en grande partie, à l'endettement de ses habitants suite aux mauvaises récoltes de la fin du XVIIIe siècle. Alors un gros bourgeois de la région, le dénommé Philippe-Etienne Rochat, originaire du Pont, bientôt fonctionnaire de LL.EExes à Romainmôtier, racheta de nombreuses terres dans cet endroit. Cet épisode a été raconté par Lucien Reymond dans un texte que l'on retrouvera dans cette rubrique. 
    L'alpage du Pré-Jentet était ainsi constitué. Il devait s'agrandir encore au fur et à mesure des opportunités, alors que la totalité des habitants, vers le milieu de ce même siècle, avait fui, repliés vers le bas, du côté du Séchey en particulier il semblerait. 
    La propriété se transmit d'une génération à l'autre. Intervinrent des Mayor, famille alliée de celle de l'ancêtre Philippe-Etienne Rochat. La montagne fut vendue en 1839 à des Reverchon. Elle sera acquise plus tard, vers 1879, par les Grobéty, marchands de farine à Vallorbe. La commune du Lieu en devint acquisitrice le 8 novembre 1913 pour la jolie somme de 210 000.-, vite amortie par une grosse coupe de bois faite en 1916,  qui laissa le montant extraordinaire de 194 000.- Ainsi la montagne, Pré-Jentet et Bonhomme réunis,  était quasiment payée trois ans après son achat! 
    Il semble que le chalet ait été entièrement reconstruit au début du XXe siècle. La nouvelle bâtisse devait brûler le 26 septembre 1942 pour être reconstruite tout aussitôt. Cela devint le chalet que l'on connaît aujourd'hui, monté par la famille Rochat du Séchey. 
    On consultera aussi notre chapitre sur le Bonhomme pour découvrir différents éléments sur l'histoire du Pré-Jentet, puisque les deux montagnes furent longtemps propriétés d'un même particulier, et par ailleurs vendues en bloc à la commune du Lieu en 1913.