Philippe-Sirice Bridel, doyen (1757-1845)
Contes et légendes de notre Pays de Joux – 18 – Quand les Suédois sont à la frontière, par Philippe-Sirice Bridel (Le Conservateur suisse, Lausanne, Imprimerie F. Blanchard, éditeur, 1856, pp. 306-307)
Les Suédois s'étant emparés de la Franche-Comté pendant la guerre de 30 ans, un de leurs détachements franchit la frontière suisse, soit à dessein, soit par ignorance, et entra dans la Vallée du Lac de Joux, du côté du village appelé le Sentier : c'était un dimanche ; la plupart des hommes étaient à l'église. La femme de Jaques Mignot, demeurant au lieu dit la Vuarraz, ne perdit point la tête en voyant approcher ces soldats étrangers : elle prit une caisse déposée contre sa maison, et se mit à battre la générale en allant du côté du Sentier : à ce bruit, les Suédois prirent le parti de la retraite, en emmenant un cheval enlevé sur le pâturage voisin : quelques montagnards se rassemblèrent en hâte et se mirent à leur poursuite, comme ayant violé la neutralité du corps helvétique : le maître du cheval tira un coup de fusil sur celui qui le montait ; mais au lieu de tuer le voleur, il tua son cheval.
On loua avec raison le courage et la présence d'esprit de cette femme, qui, dit-on, reçut une récompense. Abram Mignot, son fils, fut le premier recteur de la bourse des pauvres du Chenit : il paraît, par son compte rendu en 1644, que le fonds de cette caisse destinée aux aumônes, était de 30 florins, et maintenant il est de passé 14 000frs.