Eh bien! oncle Elisée, vous voulez me garder ?... toujours?...
Dans la cuisine confortable au plafond bas où de grosses poutres enfumées offrent des recoins favorables aux araignées, Elisée Burdot s’affaire à tresser une corbeille. Au gré de ses doigts noueux et crevassés, l’osier souple se plie, s’entrelace et se recourbe en anses gracieuses. Dehors, le ciel splendide est piqué d’étoiles, la lune argente les pentes enneigées de la montagne et fait resplendir le glacier qui s’accroche à la crête. Mais l’homme ne veut rien voir. Son front bas et têtu de montagnard se penche avec obstination sur le travail de vannerie et un pli douloureux au coin des lèvres barre la bouche fine.
C’est qu’on est à la veille de Noël et ce retour des fêtes demeure toujours un dangereux évocateur. Sans qu’on le veuille, il fait revivre des choses qu’il vaudrait mieux laisser au passé. A quoi bon rallumer sous la cendre où elle dort la petite braise, dernier reste d’un incendie qui fit tant de ruines autrefois ? Ne vaut-il pas mieux l’étouffer complètement et ne plus se souvenir de ce qui fut ni des ruines qui remplacent les espoirs caressés jadis !