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103. Le silence du chalet

Publié le 24 septembre 2017 dans Alpages, chalets et bergers de France

Roger Rochat dit Goudron.

    Ils sont partis, avec véhicules, chars et troupeaux. Ils ont fermé le chalet qu'il ne rouvriront qu'au printemps prochain, quand sera venue la nouvelle saison.     
    Ils sont partis, mais ce qu'ils ont oublié, c'est de fermer les deux volets de l'une des deux fenêtres, celle qui est à gauche de la porte d'entrée où on lit une date: 1836. Cela ne fait aucun doute, c'est celle de la construction.     
    Un chalet qui a pu porter des noms successifs, en fonction des propriétaires. Le dernier, que l'on découvre sur le pignon de la grande bâtisse, c'est le Cernois Dubied, altitude 1218 mètres. 
    Mais ce qu'il y a d'intéressant, c'est que figurent sur ces deux volets, de ces images que d'ordinaire l'on agraphe contre les planches de l'une des parois de la cuisine, avec des agrafes que l'on prend dans une boîte où il y en a des jaunes, des vertes, des rouges et des bleues. Ici l'on aime le jaune, couleur du soleil!     
    Et ces images, l'été mises au grand jour, par la lumière, peu à peu, elles se déteignent. Mais agrafées assurément en 2010, vues en 2012, certaines ont encore de jolies couleurs, d'autres par contre sont toutes lessivées, et même pour une affiche de la fête du vacherin de cette année-là, une seule et dernière couleur: le bleu.     
    Un article. Témoignant du passage du Grand troupeau aux Charbonnières, prenant la route de Mouthe, s'arrêtant à la frontière pour enfin gagner le territoire français où figure  l'alpage Cernois Dubied où les pâtures sont immenses, et dont certaines zones, alors que les hauts de Mouthe étaient habités à l'année, étaient cultivées. Des anciennes cartes en témoignent.     
    Sur ce papier de journal que le temps dégrade et qui immanquablement va disparaître, emporté par un vent plus violent que d'habitude, parmi tant d'autres, une figure que l'on connaît. Celle de Roger Rochat dit Goudron, le collectionneur de montées, qui en a plus fait en sa vie que tous les habitants de Mouthe réunis! Mais voilà, la grande époque pour lui est déjà derrière. Il est là certes, mais amaigri, au point qu'on le reconnait à peine.   Est-ce sa dernière montée ?     
    Le silence du chalet en hommage à cet homme et à sa  passion des alpages. Ô certes, il n'en a jamais tenus. Mais depuis son enfance il les a fréquentés. Il les a aimés. Et toutes ces routes qui y conduisent, autant qu'il empruntait autrefois celle qui joignait son village aux Charbonnières, d'où son surnom,  il les a connues mieux que personne.
    Salut donc à toi, Ô Goudron!